| Publié le 30 septembre 2025 - Estelle Roulin

Pourquoi l’amitié est importante pour nos enfants ?

Pourquoi l’amitié est importante pour nos enfants ?

L’amitié occupe une place essentielle dans la vie des enfants. C’est le premier lieu de découverte de l’altérité en dehors du cercle familial. Un monde rien qu’à eux où naissent des émotions fortes, de grandes joies mais aussi parfois des peines tout aussi grandes.

« C’est mon meilleur ami ! »
« Je veux plus être son ami, il est nul ! »
Souvenez-vous de ces périodes tellement intenses où nous étions “fous d’amitié” pour une nouvelle amie/ un nouveau copain en qui nous voyions, du haut de nos sept ans, tellement de choses fascinantes : « elle avait des baskets bleues et même, elle jouait de la guitare », « il avait des Rollersblade et des taches de rousseur » ! Les premières amitiés donnent aux enfants l’occasion de s’ouvrir au monde, de prendre pour la première fois l’initiative de construire une relation hors de la cellule familiale et de découvrir la différence chez leurs pairs : celui qui a un chien, celui qui est enfant unique, celui qui a “deux maisons”… Explorer un autre fonctionnement familial que le sien, que l’on croyait jusqu’alors universel, est très enrichissant et fondateur pour nos enfants, c’est pour cela que l’amitié occupe une place essentielle dans leur vie : elle leur permet de s’ouvrir aux autres et de se construire dans ce rapport aux pairs.

Une émotion forte à apprivoiser

Mais parfois, cette confrontation à “l’autre” est trop brutale pour nos petits qui ne sont pas prêts à se lancer dans une relation si intense. Ils se sentent encore fragiles et choisissent d’être seuls : très déroutant pour nous, parents, d’entendre les enseignants de maternelle nous dire que notre enfant préfère être seul dans la cour et se raconte des histoires à lui-même ! Mais rassurez-vous, c’est en fait un grand signe de liberté : un enfant qui choisit délibérément d’être seul a souvent un monde imaginaire extrêmement riche et suit son instinct. Il sait qu’il a besoin de solitude pour se ressourcer et n’y voit heureusement pas encore l’injonction que nous, adultes, avons acquise au fil des ans qui affirme qu’être seul est signe d’une défaillance sociale. D’ailleurs, ces enfants-là sont rarement “seuls” : souvent, ils évoquent très librement leurs amis imaginaires qui servent de transition entre le cocon de la cellule familiale et “les autres”. Avoir un ami imaginaire leur permet de s’entraîner à ces relations sociales en élaborant des dialogues et des échanges, en imaginant une dispute, puis une réconciliation mais en tenant toutes les ficelles ! Un apprentissage fondateur.

Semblables ou différents ?

Car avoir un·e ami·e, c’est aussi élaborer un rapport miroir d’identification, de pair à pair, découvrir chez un autre enfant ce qui est différent ou semblable et tisser des liens sur ces similitudes, comme l’exprime Mila, 9 ans : « Un ami, c’est quelqu’un avec qui partager mes secrets ou discuter quand je suis triste, plutôt que de les garder pour moi parce qu’un adulte ça comprend  moins ce que les enfants vivent. Ok, les adultes sont passés par la case “enfant” mais ils se souviennent plus tellement. Et puis nous, c’est aussi une autre génération, alors c’est pas pareil. » Vivre les mêmes étapes et observer les réactions de ses pairs. L’être humain apprend par mimétisme : les relations d’amitié servent aussi de jauge pour se connaître et se construire, en opposition ou en imitation. C’est pour cette raison que les conflits entre enfants sont parfois si violents : en s’identifiant aux autres, ils associent leur image à celle du groupe et, lorsque celle-ci ne correspond pas à celle qu’ils ont d’eux-mêmes, l’affirmation de leur personnalité est menacée et leur réaction est brutale.

Plutôt meilleur.e ami.e ou plutôt “bande” ?

L’amitié tient une place centrale dans la vie de nos enfants. En fonction de leur personnalité, de leur place dans la fratrie, de leur confiance en eux, les enfants choisissent de créer, d’intégrer “une bande” ou d’avoir un·e ami·e unique, instaurant une relation qui adopte alors les codes des relations amoureuses : exclusive, souvent fusionnelle, mais tendant parfois à la jalousie. À nous de veiller à ce que ces relations intenses restent équilibrées et librement consenties des deux côtés. Car les premières amitiés sont fondatrices : beaucoup d’enfants restent fidèles à un petit noyau d’origine et il est surprenant de voir que l’évolution des personnalités de chacun parvient à ménager ces amitiés historiques. Les liens se resserrent ou se détendent, mais sont rarement totalement détruits, sauf si les valeurs essentielles divergent.

Une opportunité pour se connaître soi-même

Car construire et entretenir une amitié, c’est aussi affirmer sa personnalité et ses convictions : une appartenance à un groupe est un engagement personnel, le premier de la vie sociale de nos enfants. Ce qu’ils cherchent chez leurs amis, ce qu’ils ne tolèrent pas est un reflet d’eux-mêmes et de l’expression de leur personnalité. Les enfants qui sont amis “dans la vie” tolèrent souvent mal les divergences d’opinions des copains, et il leur faut un moment pour apprendre à dire « je ne suis pas d’accord avec l’idée d’Isaure » versus « je ne suis pas d’accord avec Isaure », une prise de distance essentielle pour accepter de ne pas partager toutes leurs opinions. Un grand pas de tolérance, salutaire dans la construction de leurs rapports à l’autre et de leur ouverture au monde.